Publié le 15 déc 25
Permettez-moi d’abord de remercier les services et Monsieur l’Echevin pour le travail considérable que représente l’élaboration de ce budget communal. Personne ici ne sous-estime la difficulté de l’exercice, dans un contexte extrêmement difficile, avec des gouvernements MR-Engagés à tous les niveaux de pouvoir qui se déchargent complètement sur les communes.
Rien que la dotation au CPAS par exemple grimpe d’un peu plus d’1 million d’euros et ce n’est pas fini, car il faudra y intégrer l’impact des exclus du chômage. Et nous voulons saluer d’emblée l’effort qui est fait pour continuer à soutenir l’institution et ses travailleurs.
Mais reconnaître la difficulté du contexte ne peut pas servir d’alibi à tout.
Un mali de 8 millions d’euros
En lisant vos communications de la semaine dernière, je me suis sincèrement demandé si nous avions consulté le même document.
Vous annonciez fièrement un boni d’un million d’euros. Or, dès la première page de ce budget 2026, l’exercice propre affiche… 0 €.
Et pour atteindre cet équilibre de façade, vous devez en fait puiser :
- 3,4 millions € dans le fonds nucléaire ;
- 4,6 millions € via le prêt Oxygène.
Soyons clairs : sans perfusion, ce budget ne tient pas debout. Ce que vous présentez ce soir, ce n’est pas un boni, c’est un mali de près de 8 millions d’euros.
En sachant que c’est la dernière année où on peut compter sur le plan Oxygène…
Des choix politiques qui plombent les finances
Encore une fois, vous expliquez cette situation, dans vos communications, par le nucléaire. C’est pratique, mais ça devient lassant, et surtout c’est faux.
Pendant 50 ans, Huy a bénéficié de 15 millions d’euros par an : un bonus qu’aucune autre commune n’a eu.
On aurait dû être la commune la plus riche de Wallonie par habitant.
Alors oui, c’est évidemment difficile de devenir un peu moins riche, mais ça ne peut pas tout justifier.
D’ailleurs, si l’on regarde les chiffres réels du budget 2026, l’impact du nucléaire n’est pas de 12 millions, comme vous l’affirmez, mais d’environ 1,9 million d’euros :
- le précompte immobilier, c’est 6,2 millions (et pas 11,5 comme si les 3 tours étaient à l’arrêt) ;
- et évidemment, il faut intégrer la taxe sur les déchets radioactifs qui rapporte 4,3 millions €.
- la taxe sur la force motrice, elle, augmente même de 50.000€ en 2026
La communication officielle de la Ville est donc trompeuse.
Mais c’est évidemment pratique de tout mettre sur le dos du nucléaire. Sauf que ça n’explique pas où sont les 6 millions restants pour arriver au déficit de 8 millions en 2026 ?
Il y a évidemment une partie dans les reports de charges. Mais ils se trouvent surtout dans les choix posés ces dernières années :
- des investissements démesurés ;
- financés massivement avec des emprunts ;
- alors même que nous savions ce qui nous attendait.
Il y a un tableau très intéressant dans le rapport du directeur financier : il montre la part des différentes sources de financement des investissements à l’extraordinaire : soit via subsides, soit via emprunts, soit via fonds propres. C’est frappant de constater que, depuis 2021, le financement par subside a fondu et les investissements ont été principalement financés par emprunts.
Ca veut dire qu’on a emprunté massivement pour pouvoir faire à tout prix ce qu’on voulait, alors qu’on n’en avait pas les moyens.
Et aujourd’hui, les chiffres sont implacables :
- la dette explose de 41 à 83 millions € ;
- elle double par habitant, de 1.881 € à 3.814 € ;
- la charge annuelle de la dette (capital + intérêts) grimpera à plus de 8 millions € en 2027 (= 2 réacteurs nucléaires) ;
- les seuls intérêts ont triplé en trois ans (de 741.000€ en 23 à 2,861M en 26 !)
C’est la facture directe d’une gestion à crédit, au-dessus de nos moyens. Tout ça, on le sentait venir dans les budgets pécédents…
Mais à cela s’ajoutent désormais les coûts de fonctionnement des projets pharaoniques :
Il suffit de regarder les budgets des régies :
- 1,56 million €/an pour la régie sportive (2 fois + qu’à l’époque, alors que le but était de faire des économies);
- 440.000 € pour le téléphérique, en plus des remboursements d’emprunts ;
...des montants déjà sous-estimés d’au moins ½ millions d’euros !
Ce qui met donc ce budget en grandes difficultés, ce sont les choix posés ces dernières années ! Ce sont les dépenses réalisées alors qu’on n’en avait juste pas les moyens.
La facture envoyée aux Hutois
Et aujourd’hui, qui paie ? Les Hutois.
1) Avec d’abord une hausse globale des taxes de 14,8 % en 2026. Et ça, c’est sans l’impact de l’augmentation de l’IPP qui n’arrivera qu’en 2027 ! Ca promet quand on sera la deuxième commune la plus taxée de Wallonie.
2) Avec la suppression ou la réduction de primes importantes :
- Fin de la prime pour aider les commerçants à rénover une surface commerciale, au moment où on vient de constater que les surfaces inoccupées explosaient, surtout sur la rive gauche (1 sur 3 vide)
- La prime de naissance réduite d’1/4.
- La réduction de moitié du soutien à l’isolation.
3) Mais le plus violent : c’est l’austérité brutale imposée au monde associatif, avec des coupes de subsides importantes imposées à tous les acteurs socio-culturels et sportifs de la Ville, parfois pour des économies de bouts de chandelle. Et sans qu’on comprenne quels critères justifient les montants retirés aux uns et aux autres.
La Mezon des jeunes voit son subside réduit de 35%, -7000€, en lui retirant aussi du personnel. Résultat, elle va être obligée d’augmenter les prix de ses activités pour les jeunes, et toute une série de jeunes plus défavorisés n’y auront plus accès.
L’Atelier Rock perd ¼ de son subside, -2500€, alors qu’il va aussi perdre une part importante de ses point APE.
Vous arrêtez aussi d’un coup la fête de la musique !
Le festival les Polysons : -4000€, alors qu’on sait à quel point ils ont déjà du mal à équilibrer les budgets dans un contexte compliqué, et qu’ils offrent pourtant un des plus beaux festivals de la saison.
Les rencontres théâtre jeune public sont carrément abandonnées ! Alors qu’on sait l’impact positif énorme, pas juste culturel, mais aussi économique, qu’elles sont sur la Ville chaque année au mois d’août.
C’est aussi la fin de Huy en Printemps, vous réduisez de 30% (-1500€) celui au Bel-Age Hutois. La Fondation Bolly Charlier perd plus de 50% de son soutien, de 13.000 à 6000€. Les enfants terribles, 1/3, de 6000 à 4000€. Le basket, le rugby…
C’est tout un tissu associatif qui fait vivre la Ville, que vous mettez en difficulté avec ce budget. Alors que ces associations sont déjà violemment frappées par les autres niveaux de pouvoir. Autres niveaux de pouvoir où on vous entend défendre la culture, les associations contre ces coupes sombres, et ici vous les attaquez de plein fouet…
Alors qu’elles sont vitales pour la cohésion sociale, pour le dynamisme de la Ville, elles se retrouvent étranglées pour quelques centaines, voire milliers d’euros, pendant que des millions continuent d’être engloutis ailleurs.
La seule régie sportive vient manger plus d’1,5 million sur le budget total de 62 millions ! A titre de comparaison, le subside à la Mézon, c’est 13.000€…
Mais au-delà de la violence pour ces structures, on a du mal à comprendre le raisonnement.
Vous avez fait le choix de dépenser des dizaines de millions d’euros dans une esplanade Batta, un téléphérique, un wellness, une piscine flambant neuve… En nous répétant que le but est de redynamiser la Ville. Et puis dans la foulée, vous coupez les vivres de toute la vie associative…
Alors que soutenir la culture, la jeunesse, le sport accessibles à tous, ce n’est pas une charge : c’est un investissement. Ca rapporte. Ca amène du monde à Huy.
Poussez la porte de l’Atelier rock ou du centre culturel et vous verrez qu’en termes d’investissement, c’est bien plus rentable qu’une esplanade pour amener des touristes à Huy !
D’autres choix étaient possibles
Il faut être de bon compte, certains efforts sont enfin faits sur le train de vie de la Ville, et nous les saluons. Les économies sur les évènements protocolaires notamment, ça va dans le bon sens.
Mais ils restent marginaux. Il existe pourtant des marges de manœuvre réelles :
1) la fin de dépenses inutiles :
Rien qu’à ce conseil communal : on va nous demander d’intenter une procédure au Conseil d’Etat perdue d’avance parce qu’on a oublié d’introduire un recours dans les temps devant le Ministre (ça fait des milliers d’euros de procédure), on va nous demander 340.000€ pour la régie sportive parce qu’on n’a pas suivi correctement le chantier.
Je ne vous ferai pas l’affront de réévoquer les dizaines de milliers d’euros de cadeaux à l’ambassade de Chine et les remboursements des frais de déplacements pour aller à Pairi Daiza.
Ni le nombre de collaborateurs du collège qui n’existe dans aucune autre commune de 22.000 habitants. Mais forcément s’il faut enquêter sur les centaines d’évènements qui sont organisés chaque mois chez les privés…
2) une taxation plus juste et plus efficace d’Engie :
En taxant enfin les déchets issus du démantèlement et en revoyant la taxe sur les déchets radioactifs puisqu’elle n’atteint pas complètement sa cible (comme on l’avait craint à l’époque).
Il y a des millions à aller rechercher là-bas et il est temps de s’y attaquer sérieusement.
3) Il est urgent aussi de travailler à la fusion des zones de polices et des commissariats.
Avant de frapper les citoyens et les associations, c’était possible d’aller chercher l’argent là où il se trouve. Mais ça demande du courage.
Conclusion : et la vision, dans tout ça ?
Du courage et de la vision. Parce qu’au fond, c’est la question centrale qu’on se pose à la lecture de ce budget : quelle est la vision pour Huy de cette majorité PS-MR ?
Ce budget était le premier que vous pouviez réellement façonner. Et pourtant :
- Pas un seul nouveau projet à l’ordinaire ;
- Rien pour soutenir davantage les commerçants ;
- Rien en matière de participation citoyenne ;
- Aucune ambition nouvelle qui se traduit en matière de propreté, de mobilité, de sécurité ou de climat.
Il y a quelques projets intéressants à l’extraordinaire (dont une série de reports des années précédentes). Et enfin un budget sensible débloqué pour réparer les trottoirs. Comme quoi, c’est bien un choix politique, et c’est utile parfois de jeter un pavé dans la marre…
Mais à part ça, c’est surtout un budget d’austérité. Il gère l’urgence, il colmate, il perfuse. Il sanctionne.
Il ressemble surtout à un cycliste à bout de souffle, dopé une fois de plus pour faire illusion quelques mètres avant l’effondrement.
Huy mérite mieux qu’un budget sous assistance respiratoire.
Huy mérite une vision, du courage et des choix responsables.